Bar tabac La Salade

Et sans l’oeil du poète Jean-​François, mais avec mon regard prosaïque, ce bistrot m’est plutôt fort sympathique.
Des bonhommes discutent du dernier quinté et du 15 qu’il fallait jouer. Des allées et venues vers une arrière salle PMU. Des écrans et des bornes de partout: PMU, télé, internet, photocopie, loto, keno et autres spécialités de la française des jeux. Deux hommes grisonnant se partagent les tâches tabac et boissons. Des habitués viennent causer au comptoir; ça gueule un peu, ça rigole aussi.
Comme je bois cet Orangina glacé, le patron esquisse un ou deux sourires parcimonieux qui me paraissent d’autant plus sincères.
Un bistrot populaire où demeure la noblesse des vrais troquets de quartier.

Mais quand on n’a pas l’œil de poète de Jean-​François, qu’est ce qu’il est désagréable ce bar-​tabac !
Dans une ambiance pesante, le patron attrape votre paquet de tabac après avoir à peine étouffé un bonjour, il vous en indique le prix dans une grimace, ni merci, ni aurevoir.
Une drôle de conception du commerce.
Tout sombre, pas vraiment propre, rien ici n’invite à s’attarder et c’est d’ailleurs bien dommage: avec juste quelques efforts ce lieu pourrait apporter un peu d’animation dans ce quartier morne où il jouit d’un emplacement idéal…
En tout dernier recours !

La Salade c’est un quartier de Toulouse, barrière de Paris.
La salade s’était, aux portes de Toulouse, l’endroit où les gentils capitouls exposaient les corps suppliciés des gens de mauvaise vie, histoire de montrer au nouvel arrivant leur sévérité envers les autres (ils se pardonnaient beaucoup à eux !)
Le végétarien en quête de nourriture en restera sur sa faim, mais il pourra se consoler à l’heure de l’apéro, car vu la foison de boissons anisées ceux ci doivent être de haut niveau.
Moi je suis passé au tabac en fin de matinée et j’ai eu comme l’impression que l’apéro ici pour certain avait valeur d’éternité, quelques démarches titubantes entre le comptoir et les machines à jouer, des élocutions pâteuses, un bon accent de Toulouse, une douce odeur de fumée…
Moi bien caché derrière mon «Midol», les esgourdes bien ouvertes, je pensais que les Villons Toulousains de jadis, suspendus aux branches patibulaires, auraient été fiers de leur progéniture.